19 Octobre 2020

[Lanceurs] De la biomasse pour les moteurs des futures Ariane

L’idée d’utiliser le biométhane pour propulser les futures générations d’Ariane fait son chemin. Cette solution technologique innovante aurait un grand intérêt économique et environnemental et des multiples répercussions positives en Guyane.
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Installation biométhane Crédits : Naskeo Environnement

Le futur lanceur Ariane Next, qui pourrait prendre le relais d’Ariane 6 à l’horizon 2030 ou 2035, devra être  plus économique pour répondre aux besoins du marché. Une des pistes pour y parvenir pourrait être d’utiliser du méthane liquide plutôt que de l’hydrogène pour alimenter les moteurs.

La question n’est pas encore tranchée à 100%, mais nous regardons avec intérêt la combinaison d’oxygène et de méthane. C’est pourquoi nous cherchons la meilleure filière de production du méthane sur un plan économique mais aussi environnemental.

Pascal Noir, chef de projet à la Direction des Lanceurs.

Un procédé maîtrisé et vertueux

L’exploitation de méthane produit en Guyane à partir de biomasse locale apparaît comme la solution la plus vertueuse pour répondre aux deux objectifs précédents. « Nous privilégions la méthanisation, qui est un procédé maîtrisé industriellement ne nécessitant donc pas de recherche fondamentale. Il consiste à produire du biogaz, qui sera ensuite liquéfié et épuré pour être utilisé comme ergol pour le lanceur. Cette technologie présente l’avantage de ne pas peser sur l’agriculture locale et sur les espaces forestiers naturels. »

En effet, cette filière biométhane est un véritable projet de territoire qui s’appuiera principalement sur la valorisation des déchets : déchets industriels et ménagers, huiles alimentaires usagées, déchets agricoles et agroalimentaires… Ces intrants seront complétés en cas de besoin par des cultures énergétiques comme le sorgho et la canne cultivées sur des terres non exploitées pour l’agriculture, ou en  intercultures, ou encore en coproduits agricoles. D’ailleurs l’ensemble des filières d’approvisionnements sont en accord avec la nouvelle directive européenne sur les biomasses renouvelables (RED II)

Outre son intérêt économique et environnemental dans le cadre du programme Ariane Next, on peut espérer de la production locale de biométhane de multiples retombées positives en Guyane. La méthanisation pourrait notamment contribuer au développement de l’emploi dans le domaine de la valorisation des déchets, et constituer une nouvelle source d’énergie propre pour l’industrie et les ménages.Ipsu

Un avant-projet d’installation en cours

Après la phase d’études, un avant-projet a été lancé en 2019 pour valider la faisabilité d’une telle solution. Une première installation est envisagée pour produire du biométhane pour alimenter le démonstrateur Themis, le petit lanceur qui préfigure Ariane Next. Si le bon fonctionnement de l’unité est confirmé, il sera alors possible de passer au développement d’une installation à plus large échelle pour Ariane Next avec potentiellement d’autres applications si les ressources en biomasse le permettent.

Les premiers résultats de l’avant-projet ont permis de définir le concept de la biomasse (répartition des intrants), le dimensionnement de l’unité et le process associé. Ils mettent également en évidence un coût de production du biogaz proche du coût du gaz naturel commercialisé en Guyane, ce qui permet de valoriser l’unité les années où elle ne sera pas utilisée pour des campagnes d’essais, montrant ainsi qu’un projet de lanceur peut également contribuer à une économie circulaire. L’avant-projet a été réalisé en partenariat avec les sociétés suivantes : NASKEO Environnement pour la partie méthanisation, ENEA Consulting pour le support environnemental, SIMA-PECAT pour l’expertise agronomique locale et AIR LIQUIDE pour la partie épuration/liquéfaction.

Le saviez-vous

Pourquoi utiliser le méthane plutôt que l’hydrogène, alors que l’hydrogène est plus performant ? Parce que sa température cryogénique, à laquelle il devient liquide, est plus élevée : -161°C pour le méthane contre -253°C pour l’hydrogène. Cette différence de température le rend plus simple à utiliser, et donc plus économique. « Le fait de travailler à des températures moins basses facilite la conception et vraisemblablement la production des différents composants du moteur, ce qui a des conséquences non négligeables sur le coût », explique Pascal Noir.

Série Lanceurs

Qu’on les nomme lanceurs ou fusées, cette activité du CNES - qui contribue à garantir l’accès autonome à l’espace de la France et de l’Europe - est en constante évolution. Nous vous proposons de découvrir son actualité via une série d’articles. Vous y lirez tous les détails sur le nouveau lanceur Ariane 6 et sa base de lancement et vous familiariserez avec les innovations et ruptures technologiques qui nourriront les futurs programmes à l’horizon 2030.

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