3 Avril 2014

Photo mystère : suivez la flèche !

À quoi correspond cette tache lumineuse repérée sur la Lune par l'orbiteur américain LRO ? Au rover soviétique Lunokhod-1 portant le réflecteur du CNES, perdu de vue en 1971, retrouvé en 2010 et depuis remis en service !
Crédits : NASA/GSFC/Arizona State University.

Un an après Neil Armstrong, en novembre 1970, les Soviétiques déposent sur la Lune le premier robot extra-terrestre : Lunokhod-1 (prononcer « Lunarod-1 »). Un robot avec une touche française : son réflecteur a été construit par l’entreprise Sud-Aviation (aujourd’hui Thales Alenia Space) pour le compte du CNES. En pleine guerre froide et conquête spatiale, pourquoi les Soviétiques se sont-ils tournés vers la France ? Parce que notre pays avait envoyé en 1967 des réflecteurs performants dans l'espace. Portés par les satellites Diadème-1 et Diadème-2, ils avaient permis de réaliser des mesures de distance avec des précisions jusque là inégalées. « Ces recherches donnèrent lieu à des travaux tout à fait originaux pour l'époque. Même avec le laser le plus puissant alors disponible, il ne revenait des satellites Diadème que quelques photons qu'il fallait détecter au milieu d'un grand bruit de fond. D'où une compétence dans la construction de ces réflecteurs de grande précision et aussi légers que possible qui intéressa les Russes » se souvient Jean-Pierre Causse alors directeur du programme des satellites du CNES.

En décembre 1970, la 1ere mesure de la distance Terre-Lune utilisant le réflecteur de Lunokhod-1 est réalisé. Mais en septembre 1971, Lunokhod-1 ne donne plus de signe de vie et n'est plus repéré par les tirs laser. Le réflecteur « made in France » serait-il de mauvaise fabrication ? N'aurait-il pas résisté au cycle thermique jour-nuit très exigeant ? Ou Lunokhod-1 serait-il tombé dans un cratère ? Pendant 40 ans, les hypothèses vont bon train... jusqu'en 2010 et sa localisation par l'orbiteur LRO de la NASA. Lunokhod-1 n'était en fait pas bien loin de sa position supposée !
Aujourd'hui, le réflecteur de Lunokhod-1 est utilisé couramment par la station de Calern située à 1300 m d'altitude dans l'arrière-pays de Grasse. Cette station est l'une des 3 stations dans le monde capable de faire de la télémétrie laser vers la Lune avec une précision millimétrique, mais surtout la plus féconde : elle a fourni plus de la moitié des données mondiales entre 1970 et 2011 et 87% en 2012. « Le réflecteur de Lunokhod-1 a une qualité presque équivalente à celui d'Apollo 15, le plus grand des 5 réflecteurs lunaires. Sa position, excentrée par rapport aux autres, permet d'améliorer la connaissance des oscillations de la Lune sur elle-même qui renseignent sur sa structure interne » indique Jean-Marie Torre, ingénieur de recherche du laboratoire Geoazur. Ces mesures permettent également de tester la théorie de la relativité générale. La Terre et la Lune sont-elles bien accélérées de la même façon vers le Soleil malgré leur différence de masse ? L'orbite lunaire ne dévierait-elle pas ? Le réflecteur de Lunokhod-1 pourrait apporter sa lumière dans l'étude du « principe d'équivalence » d'Einstein.

Focus : En 1973, Lunokhod-1 est rejoint par son frère Lunokhod-2 équipé aussi d'un réflecteur français. Les 3 autres réflecteurs lunaires sont américains : ils ont été déposés à même le sol par les astronautes en 1969 lors de la mission Apollo 11 et en 1971 lors des missions Apollo 14 et Apollo 15.

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